Liste des articles : La « Danseuse
Cambodgienne », Sculpture
animée d’inspiration « orientaliste », l’un des
premiers chefs d’œuvre de Gaston DECAMPS
Un exceptionnel Bébé JUMEAU de la série 200 des premiers bébés à visages caractérisés.
La Collection privée de Poupées LENCI de Bibija GARELLA
Réflexions sur la
marché du Jouet ancien :
Le marché du « Jouet Ancien » fait partie
d’un marché global qui concerne le JOUET dit « de collection ».
Son sujet est un sujet nostalgique et se rapporte à des souvenirs
d’enfance.
Le mot « Ancien » est devenu ces dernières
années extrêmement mobile quoiqu’en réalité il ne concerne que les jouets
d’avant Première Guerre Mondiale. Pour de nombreux amateurs « l’ANCIEN »
se rapporte à priori à l’époque qu’ils n’ont pas connue
(avant leur naissance) et souvent plus de 50 ans (1970) leur est plus
familièrement associé au mot ANCIEN.
Notre époque ayant évoluée particulièrement rapidement
en particulier ces dernières décades dans les sciences dites
« nouvelles », en particulier l’informatique et la robotique,
la catégories des jouets dits « mécaniques » ou « à piles »
paraissent désuets à d’aucuns ...surtout depuis l’apparition des
jeux vidéos qui les ont remplacés.
Les nouvelles générations, nées après 1970 sont peu
enclins à s’intéresser à des jouets qu’ils n’ont pas
connu .
Par ailleurs, les sociétés industrielles ayant été les
promoteurs ou inventeurs de certains de ces objets dits « anciens »
ont eu la mauvaise idée de vouloir les remettre au goût du jour en les
rééditant, que ce soit dans le domaine du jouet de garçon ou du jouet de
filles. Je citerais les maisons MECCANO pour les jeux de construction, STEIFF
pour les ours, MATTEL pour la poupée BARBIE ou encore MÄRKLIN pour les trains,
sans oublier SCHUCO, NOREV, etc.. pour les voitures.
Cette
« néo-commercialisation » perturbe le monde des
collectionneurs qui est troublé par des « répliques », pâles
imitations des ORIGINAUX et entraînant aussi un monde parallèle de
« FAUX » qui font s’écrouler des marchés entiers et malmènent
la confiance des amateurs.
Nous nous trouvons dans une période ou se côtoient le
mieux et le rien, et tout reste donc une question d’EDUCATION, de
documentation.
L’on ne peut plus appréhender ce domaine comme
il y a encore trente ans. L’âge d’or des collection de jouets
(toutes sortes confondues) qui s’est étendu de 1975 à 2000 est totalement
révolu. Par ailleurs ici, comme dans beaucoup d’autres domaines, l’Euro
à fait son œuvre de destruction lente mais systématique.
Si, dans les années 1985-1986 il était encore question
« D’INVESTIR » dans les jouets anciens, cette notion a
progressivement fait place à un enrichissement intellectuel plutôt que
monétaire dans les décades qui suivirent.
Depuis ces dernières années les générations
d’avant 1970 nous quittent et laissent à leur successeurs un lourd
fardeau d’inconnus sur le futur, et il en est de même dans tous les
domaines culturels. La charnière du siècle s’est ouverte sur un nouveau
monde dans lequel les jouets anciens ne sont plus qu’une simple curiosité
d’un temps qu’ils n’ont pas connus.
Le terrain historique, social et culturel a pourtant
été largement défriché de 1975 à 2000 et la connaissance, le classement,
l’interprétation des marques, des fabricants et de leur histoire a été
largement développée à profusion dans des ouvrages spécialisés. ! Une
richesse insoupçonnée est donc à la disposition des novices amateurs, encore
faut il que leur curiosité soit éveillée !
En conclusion, ce marché, si prospère il y a encore
peu, devient celui d’une élite, d’une frange marginalisée de la
population, qui s’intéresse, se documente, est curieuse, et comprends
toute la richesse et la valeur intemporelle du JOUET. Personnellement je ne le
regrette pas.
François
THEIMER expert et Historien du Jouet
Français (août 2018)
L’Exceptionnelle
poupée parisienne historique « Marguerite de Valois ». Pièce unique.
Notes
sur la poupée et sa fabrication
L’examen
complet de la poupée, de sa construction, de sa comparaison avec d’autres
modèles similaires me permet aujourd’hui, d’avancer toutes les
hypothèses sérieuses sur son histoire.
Cette
poupée semble (jusqu’à preuve du contraire) être une pièce unique en
raison du nom de son modèle gravé dans la nuque. En effet d’autres
modèles (trois vendus aux USA en 1997, 2006
et 2011 + une au Musée GALEA à Monaco et trois autres, semble t il se
trouvant dans un Musée en Suisse ) Elles
ne portent aucune signature ni gravure dans la nuque.
La poupée
présentée ici semble être une commande faite à la maison GIROUX par une
personne de la Noblesse Royale Française (dont les descendants étaient les
heureux propriétaires) La maison GIROUX en tant qu’intermédiaire
n’avait aucun lien avec la fabrication, qu’elle sous-traitait.
Elle fit
assembler cette poupée ; la tête fut certainement confiée à la maison JUMEAU
dont l’usine venait d’éclore en 1881 et dont les sculpteurs
s’inspirèrent des gravures représentant la célèbre Reine, les mains aussi
proviennent de cette entreprise qui approvisionna la maison HURET sous la
direction LONCHAMBON à partir de 1881 lorsque celle-ci commença a ajouter à la
préciosité des poupées et bébés HURET la pose de mains en biscuit (comme nous
l’indique l’inventaire de la maison). Le corps avec son système à
vis provient d’un petit fabricant qui s’inspira du brevet
d’Alexis HERBILLON (voir le «Panorama des Poupées Parisiennes» par
Danielle et François THEIMER)
Quant aux
vêtements ils furent certainement l’œuvre d’une bonne
faiseuse, pourquoi pas Mademoiselle BEREUX dont on reconnaît la travail sur les
chaussettes (identiques à celles des poupées HURET).(voir à ce propos
l’ouvrage «La Maison HURET» par Danielle et François THEIMER.
La
découverte d’un modèle de poupée similaire aux USA et portant de rares
souliers signés GIROUX permet d’abonder dans cette hypothèse.
La
commande particulière explique l’exceptionnelle signature gravée dans la
nuque. Quant au fait que les autres modèles de poupées similaires ne soient pas
signées s’explique par le matériau employé (le biscuit) qui est un
produit de moulage. Il est aisé d’occulter la signature une fois le
modèle initial réalisé en la recouvrant directement dans le moule. Ainsi les
pièces suivantes auront la nuque vierge.
Plus
qu’une poupée, il s’agit d’une figure artistique tout à fait
dans l’esprit de son époque, à l’image de la figurine des artistes
RADIGUET & CORDONNIER.
Notes
sur le personnage historique représenté.
Marguerite
de Valois, dont la vie a hélas été dénaturée par le romancier Alexandre DUMAS
dans son roman «La Reine MARGOT» fut une femme exceptionnelle et tout
d’abord la dernière descendante de la lignée royale des VALOIS, ensuite
la première épouse d’Henry IV, roi de Navarre et enfin, après son «
démariage » devint la protectrice efficace de la nouvelle lignée royale, celle
des «BOURBONS» représentée par son mari puis le fils de ce dernier qu’il
eut avec sa seconde épouse Marie de MEDICIS, le future Louis XIII.
Outre cet
aspect politique, par son véritable talent littéraire, hormis ses « Mémoires »,
elle fut une avant-gardiste des «Précieuses», et l’une des femmes les
plus cultivées de son temps, parlant plusieurs langues et ayant un sens de la
diplomatie reconnu, et d’une extraordianire beauté qui fascinait ses
contemporains.
Sa vie
mouvementée au travers d’une une période trouble, entre les Guerres de
Religion successives, les assassinats et massacres, la Guerre avec
l’Espagne, la LIGUE sorte de guerilla entre la Noblesse te la Monarchie,
ses mauvaises alliances qui lui valurent un exil de 20 ans en Auvergne oû elle
laissera des traces indélébiles de son passage.
Si les
historiens, ont depuis la fin du XIXème, tenté de redonner à cette illustre
Reine un tant soit peu l’éclat et la reconnaissance qu’elle mérite
largement, il n’en est pas de même du cinéma, qui aime trop souvent
montrer l’aspect scandaleux plutôt que l’aspect positif. Sur le
plan historique je ne peux que vivement recommander l’ouvrage de
l’historienne Eliane VIENNOT, «Marguerite de Valois» (aux éditions
TEMPUS), le plus sérieux sur ce sujet à ce jour.
Icône de
la Mode la Reine Marguerite de France fut encore représentée en poupée à
l’occasion de l’Exposition des Costumes anciens exécutés par les
Grands Couturiers (AMSTERDAM 1895) par
la Société JUMEAU & Cie. Elle était habillée par le célèbre couturier
WORTH. (voir photographie ci-contre)
J’ajouterais
enfin que, par tradition, la corporation des bimbelotiers (dont faisait partie
Emile-Louis JUMEAU) rendait toujours hommage à Henry IV, ce roi qui accorda le
monopole de la fabrication des poupées aux poupetiers par des statuts et
règlements en 1608.
Ce
symbole, la Maison JUMEAU, l’employera quelques temps plus tard lors du
lancement du «Bebe JUMEAU» dont les traits seront sculpté par le célèbre
sculpteur Albert Ernest CARRIER-BELLEUSE d’après ceux d’Henry Iâgé
de 4 ans.
La Collection privée de Poupées LENCI de Bibija GARELLA en
vente le 24 mars 2007 à Paris Hôtel Ambassador
C’est presque devenu une habitude de vous présenter dans nos ventes
des objets exceptionnels et une fois encore, j’ai le plaisir de partager
avec vous la découverte émouvante d’un ensemble de poupées qui, bien que
ne découlant pas de notre Culture historique, éveillent en nous un plaisir
extatique et rafraîchissant très largement partagé.
Ces objets ont été conservés jusqu’à aujourd’hui dans
la famille des propriétaires de l’entreprise familiale italienne connue
mondialement sous le nom de « Lenci ». J’ai eu l’heureux privilège
de rencontrer et d’apprécier Beppe Garella comme je l’ai indiqué
dans le catalogue de mars 2006 à propos de la vente d’un autre ensemble
de poupées Lenci.
C’est déjà une vielle histoire, le temps a passé et Monsieur
Garella a rejoint le paradis des poupées, mais sa fille, Bibija, me confie
aujourd’hui le soin de vendre sa collection personnelle.
Cette collection est exceptionnelle en ce qu’elle renferme
de véritables trésors d’Art et d’originalité. Vous y découvrirez
des modèles uniques au style provoquant et déroutant alliant le profane au
religieux dans un mélange harmonieux et réussi, des prototypes, modèles au
destin volontairement tronqué, des poupées si animées qu’elles en
paraissent vivantes comme le sont les marionnettes, des représentations de
personnages de dessins animés qui ont hanté notre enfance, et d’autres,
rares et uniques.
Ils forment une famille hétéroclite et pourtant l’ensemble
est homogène, leur rareté prise individuellement, n’est que l’un
des aspects de leur richesse. Ils témoignent de manière éclatante d’un
savoir faire, et d’un talent artistique indéniables, déployant des
trésors d’originalité.
L’émotion qui s’empare de nos sens provient non
seulement des couleurs et de leur distribution chromatique, mais aussi des
formes innovantes qui interpellent notre imaginaire.
Voici aujourd’hui la première partie de cet extraordinaire
ensemble.
Its becomes an habit to present you
in our auctions exceptional and very special items, an ones again, I have the
pleasure and privilege to present and share with you this emotional discovery
of a group of. Unique dolls.
These dolls where until today
preserved in their owner family, a well-known family, owner of the Lenci
company. I had the privilege to known personally Mr Beppe Garella as I wrote it
in our auction catalogue of march 2006 when was sold an other group of Lenci
dolls.
It is now an old story, time passed
and Mr Garella is now in the doll paradise, but his bellowed daughter, Bibija,
proposed me to sell her personal collection.
That is an exceptional collection,
as she contains real Art treasures. You will discover not only unique pieces in
a particular Art concept, a mix of religious and profane styles, but also «one
of a kind» prototypes, that never had a commercial destiny, also rare puppets,
that’s could only be shown in books, in one word: dolls that never came
out at the market.
They are all the evidence of the
special artistic talent of this typical Italian artists working in that special
doll company turned at 100degrees to Art.
The emotion that you can feel
looking at this dolls, comes not only from their colours and their particular
mixing, but also from their «avant-garde» style that impress us.
Now we present today the first part
of that extraordinary Collection.
La « Danseuse
Cambodgienne »,
Sculpture animée
d’inspiration « orientaliste »
l’un des premiers chefs
d’œuvre de Gaston DECAMPS
“Cambodian
Dancer” (English text)
(Reproduction du texte et des photographies
interdites sauf accord de l’auteur)
|
A l’occasion de la mise en vente
aux enchères récente d’une œuvre non répertoriée du fabricant
d’automates Gaston DECAMPS, une véritable sculpture habillée et animée
d’inspiration « orientaliste », il me semble intéressant de
faire découvrir ou redécouvrir cet homme dont on a beaucoup apprécié et
admiré les œuvres mécaniques et les créations d’automates durant
près des trois premiers quarts du XXème siècle, mais dont on ignore toute la
véritable ambition artistique et la profonde sensibilité qui se révèle, à qui
veut bien l’entendre et l’apprécier, au travers de cet
authentique chef-d’œuvre qu’est la « Danseuse
Cambodgienne ». Prenant
le risque de vouloir y percevoir une œuvre majeure de maîtrise dans
toute l’acception du mot, mais aussi une parenthèse dans la vie de son
auteur, j’en assume la responsabilité et j’ai grand plaisir ici a
expliquer ma théorie qui repose finalement sur une argutie et une analyse
somme toute logique. |
Gaston
DECAMPS, jeune artiste ambitieux.
Gaston DECAMPS fut le fleuron et l’espoir de la troisième génération d’une famille d’inventeurs de jouets qui était venue s’établir à Paris dans le milieu du XIXème siècle, les ROULLET, puis ROULLET-DECAMPS.
Il fut étudiant à l’Ecole supérieure des Arts Décoratifs de Paris et un élève studieux du maître sculpteur Emmanuel FREMIET(1), dont il suivit les cours de dessin au Jardin des Plantes et qui lui inculqua la maîtrise dans la sculpture des formes du visage et des corps dans le souci académique de la ressemblance et de la convenance.
Dès son plus jeune
âge, en compagnie de son frère Paul, il baigna dans l’ambiance laborieuse
des ateliers de jouets mécaniques et d’automates de son père Ernest Henri
DECAMPS et de son grand-père Jean ROULLET, prenant connaissance de son futur
métier et travaillant à des essais afin de doter de mouvements mécaniques plus
naturels et moins saccadés les personnages automates livrés par
l’entreprise familiale au commerce du luxe.
Si l’on veut
approcher le plus possible Gaston DECAMPS, qui est tout l’opposé de son
frère Paul, pragmatique et entièrement tourné vers l’aspect commercial,
il convient d’appréhender ses débuts en tenant compte de la pureté et de la
spontanéité d’un esprit artistique qui se découvre et qui formeront le
limon de son talent.
Il me semble évident
que les études artistiques qu’il suivait ne pouvaient que lui donner
l’envie de mettre en pratique ses nouveaux talents de sculpteur. Son
apprentissage méthodique et réfléchi faisait alors toute la différence avec la
sculpture pratiquée de façon autodidacte, artisanale et spontanée par le
sculpteur « maison » de l’entreprise familiale.
Son approche de la
mécanique autant intellectuelle que manuelle, devait aussi lui permettre
d’éviter ou de surmonter de nombreuses difficultés auxquelles se
trouvaient confrontés ses parents, qui, trop pris par le labeur quotidien ne
pouvaient songer à se perfectionner sans subir des dommages et retards dans leur
travail.
Au terme de ses
études, à sa majorité (2), à n’en pas douter et à l’instar de toute
la profession, mais surtout sur un plan moral et professionnel, il lui fallut
démontrer son savoir faire et présenter un « chef-
d’œuvre » une « pièce de maîtrise », qui devait
combiner toutes les facettes de ses talents pour le faire accepter
définitivement dans son milieu. Cette pratique courante dans toutes les
corporations, n’échappait pas à celle des fabricants de jouets.
Arguant de
l’admiration qu’il portait au premier et au plus grand des
« mécaniciens », Jacques de Vaucanson, qui au milieu du XVIIIème
siècle, en animant mécaniquement des statues, avait donné naissance aux plus
beaux automates jamais conçues par la main humaine et qui firent l’admiration
de ses contemporains et des générations suivantes, Gaston DECAMPS décida de
suivre cet exemple et de réaliser des « statues animées »(3),
conscients d’avoir à se confronter aux difficultés inhérentes à
l’association de l’Art dans l’Industrie, et naturellement aux
nécessaires concessions qui en découleraient.
J’ajouterais
que cette ambition peut aussi trouver ses raisons dans un désir de relever
l’automate de sa morne et éphémère carrière d’objet ludique et de
l’orienter par une nouvelle condition, vers une clientèle différente,
plus proche du monde de l’art qu’il côtoyait et aux goûts
artistiques plus étendues et plus exigents, que la clientèle habituelle.
Il restait donc à
Gaston DECAMPS à trouver un sujet digne de transcender son projet.
Il lui aurait été facile
de trouver l’inspiration en imitant la démarche de son père ou de son
grand-père ou encore de ses confrères qui puisaient dans le quotidien,
l’actualité et les arts du spectacle, pour y trouver la scène ou le
personnage dont ils immortaliseront les gestes, les travers, parfois
l’outrance souvent la caricature, mais aussi l’exploit (les
prouesses des personnages de cirque par exemple).
Gaston DECAMPS pensa
que la danse, la musique étaient les arts qui s’associaient le plus
aisément à la statuaire car elles évoquent le mouvement. D’ailleurs à y
regarder de près, dans la production de l’entreprise familiale de la
toute fin du siècle précédent, un grand modèle intitulé la
« Bayadère » ressemble a un coup d’essai de notre artiste ou du
moins à une base de travail...qui préfigure peut être déjà l’œuvre à
venir, mais qui reste encore maladroit. Les mouvements trop saccadés, la tête
ainsi que le buste en biscuit de porcelaine, rompant l’unité artistique
par la variété des matériaux, lui donne comme un air de poupée déguisée….
Il est plus naturel
d’imaginer que sa curiosité naturelle, mais aussi ses amis et son
environnement artistique, l’ayant entraîné à parcourir les expositions et
les musées, il fut un temps fasciné, imprégné et influencé, tout comme nombre
de ses contemporains artistes, par l’exotisme indochinois que
l’actualité avait mis au goût du jour dans le déferlement en ce début de
siècle d’une vague orientaliste, et c’est de cette plongée dans un
Orient onirique qu’il puisera son inspiration pour son projet.
Peut-être visita-t-il
le Salon de 1899 et y découvrit le grand triptyque «l’EDEN » peint
par Levy-Durham, dont le panneau de gauche intitulé l’« Emoi »
montre une Eve écoutant les bonnes paroles du serpent, et qui en tous les cas
suggéra au Douanier Rousseau son célèbre tableau « La Charmeuse de
Serpent » que ce dernier présenta en 1908.
Mais ce qui est plus
probable c’est qu’il remarqua dans une autre exposition, en 1906,
la dernière création du sculpteur allemand Joseph WIND, une charmeuse de
serpent sculptée en trois dimensions?
Le rapprochement de
cette sculpture d’inspiration orientaliste et de son automate ou plus
exactement de sa « sculpture animée » est saisissant et il ne fait
plus aucun doute aujourd’hui qu’elle servit de modèle à Gaston
DECAMPS pour l’élaboration de sa « Charmeuse de serpents ».
Peut être aussi, et
cela serait bien compréhensible, fut il aussi parmi les spectateurs de la
divine artiste Cléo de MERODE, célèbre danseuse parisienne qui présenta en
1900, à l’occasion de l’Exposition Universelle, au milieu de
l’Exposition coloniale, à mi-coté du Trocadéro, un spectacle de danse
cambodgienne dont elle était l’étoile chorégraphique. Son succès fut
grandiose et l’on venait de loin, le soir, pour
l’admirer ?….Ou encore assista-il aux spectacles de danses
cambodgiennes (adaptées elles aussi) de cette autre ravissante danseuse parisienne,
Louise MANTE ?
Peut-être encore, et
cela me semble le plus probable, subit-il le charme oriental des authentiques
danseuses royales que le Roi du Cambodge, Sisowath, avait amenées avec lui lors
de sa visite officielle en France, justement en 1903, au moment présumé oû je situe
la création de son œuvre de maîtrise..
C’est là
qu’il fut certainement fasciné par cette jeune fille noble et nubile de
juste 15 ans aux cheveux coupés courts (le jour de son anniversaire comme le
voulait la tradition cambodgienne), surmontés d’une tiare dorée et
pointue, le corps enveloppée comme une momie dans son habit de gala fait de
soie transparente couvert de paillettes et de pierreries et cousu sur elle,
ondulant ses bras aux mains fines, arquées et si gracieuses, prolongées de
griffes décrivant dans l’air de symboliques arabesques, le tout environné
d’une musique bruyante et envoûtante.
A n’en pas
douter, c’est bien elle qui lui sert de modèle pour sa « Danseuse
Cambodgienne »…..
Gaston DECAMPS, dans
une compréhensible ardeur juvénile, fasciné ou subjugué, s’embrasera pour
ces sujets qu’il animera l’un et l’autre, peut être
simultanément, dans un même élan artistique.
Les deux personnages
conçus avec les plus parfaites proportions et une plastique mettant en valeur
le travail du modelage et de la sculpture offrent un spectacle d’un
réalisme saisissant en tout point comparable à la statuaire classique dont elle
ne s’éloigne que pour s’animer occasionnellement avec cette
illusion d’une vie propre insufflée, d’autant plus réussie que les
torses peuvent monter et descendre au rythme des mouvements naturels lents et
sinueux des membres.
Les deux chefs-d’œuvre furent élaborés sur les mêmes bases, à savoir: le socle, le bas du corps et le tronc libre se soulevant dans l’imitation d’une respiration, qui sont identiques pour chaque modèle.
La sculpture des visages diffère, accordant un air juvénile à la danseuse et plus altier à la charmeuse dont le corps était entièrement dénudée, tout comme le modèle dont elle s’inspirait (4) .
La « Danseuse Cambodgienne » possède des mouvements de mains stupéfiants et réalistes imitant ceux, complexes, que la danse exotique exige, et obligèrent le créateur à des prouesses techniques supérieures qui, unique concession aux lois de la mécanique, dut en adapter le poids, la forme et le mouvement au travail qu’elles devaient effectuer pour rendre une parfaite illusion de la réalité.
Mais à cet exploit remarquable il faut encore ajouter la finesse et l’exactitude dans la reproduction de son vêtement rehaussé de paillettes et de pierreries comme son modèle, assorti de deux languettes sur les épaules représentant les flammes sacrées, l’ornementation de bijoux, sans oublier la tiare (lestée sur un coté pour maintenir la tête dans une position très droite) qui représente le casque de Brahma et qui à lui seul est un pur chef d’œuvre d’orfèvrerie orientale.
Mais à cela tout cela
il faut encore ajouter que, ce qui fait l’achèvement le plus réussi de
ces deux créations, et leur confère ce caractère majestueux, unique et purement
artistique, réside dans l’adjonction d’un piédestal, un grand socle
octogonal à gradins qui par son aspect antique et imposant donne à
l’ensemble un équilibre agréable à l’œil et l’imitation
parfaite d’une statue sur son socle (5).
On peut aisément
imaginer que les deux pièces présentées aux examinateurs par Gaston DECAMPS lui
firent gagner le respect auprès de ses pairs.
Conclusion
Comment ne pas
considérer ces deux oeuvres, marginales et surtout magistrales, dans lesquels
l’Art n’offre aucune concession aux intérêts commerciaux, en
comparaison avec les créations ultérieures de cet artiste, à la fois comme des
œuvres de maîtrise, de véritables œuvres d’art, et la preuve
d’un talent inégalé?
Elles forment un trait d’union entre le classicisme suranné des produits de l’entreprise sous la tutelle du père et du grand-père, et une orientation volontairement plus « moderne », plus « actualisée » dirions nous, que Gaston DECAMPS affirmera et poursuivra(6).
Véritables sculptures habillées et animées (7) elles sont des oeuvres d’Art achevées, dénuées de toute ambition commerciale, elles symbolisent le mariage réussi entre le monde de l’Art et de l’Industrie et démontrent le rapport étroit entre les idées et les formes, les ambitions et le cadre matériel de l’existence.
On ne trouvera plus aucun autre exemple équivalent dans toute la production de cette entreprise, (8) dont Gaston DECAMPS prendra bientôt les commandes (9), ni dans les personnages en vogue échappés des spectacles que produisent les nouveaux « Music-hall » qui fleurissaient à Paris, et que ces derniers font découvrir au public parisien, comme par exemple « Little Tich » clown anglais aux pieds géants, Loïe Fuller la danseuse aux voiles ou encore Almée et son éventail géant qui tous font partie des célébrités de la charnière du siècle qui figureront dignement au Panthéon de la production de la maison ROULLET-DECAMPS en 1910.(10).
Aucun exemple non plus dans les pièces originales et souvent spectaculaires, puisées dans l’actualité (11), réalistes ou cocasses qui contribuèrent au succès de l’entreprise et figurèrent dans de nombreuses expositions internationales et les vitrines des Grands Magasins dont ils deviendront les attractions annuelles.
Et cela peut s’expliquer simplement. Trop vite, la guerre, les drames familiaux, le poids des responsabilités forcèrent Gaston DECAMPS à s’éloigner malgré lui de la « statuaire animée » et à s’adapter aux nouveaux critères sociaux et économiques, au contraintes d’un marché soumis aux nouvelles règles dictées par la fée Electricité et qui donneront naissance à une nouvelle génération d’automates voués au commerce et reproduits à la demande.
On a beau chercher on
ne trouve vraiment plus rien de comparable à la « Danseuse
Cambodgienne » ni à la « Charmeuse de serpents ».
Pour conclure,
j’ajouterais qu’une fois achevé, un automate, n’échappe pas
en général à sa reproduction, en raison des exigences commerciale et surtout
des coûts inhérents à sa création.
La « Charmeuse
de Serpents » se pliera à cette exigence et sera par la suite reproduite
sur demande (12)et introduite dans le catalogue des produits manufacturés par
la maison familiale ROULLET-DECAMPS de 1910), un an après la mort du père de
Gaston DECAMPS (13).
La « Danseuse Cambodgienne » semble avoir échappé à cette règle classique et jusqu’à plus informé une seule autre version existe (14) ce qui naturellement confère à celle qui est mis en vente un caractère d’autant plus précieux.
François THEIMER
Historien du Jouet et expert près la Cour d’Appel de
Paris
|
NOTES DE L’AUTEUR (1) Né en 1824 mort en 1910, à Paris. Plus
connu pour ses sculptures animales mais qui fut aussi un sculpteur anatomiste
hors pair à qui l’on reprocha justement son académisme… (2) Gaston DECAMPS est né le 30 mars
1882 (3) A ce propos, il convient de
corriger l’idée qui veut qu’on lui attribue la célèbre phrase
« l’automate est une sculpture animée ». Force est de
constater après vérification qu’il ne s’agit que d’une
redite d’une phrase employée par Jacques de Vaucanson à propos de son
désir de donner vie à une statue; « le Joueur de Flûte » de
Coysevox, qu’il voyait tous les jours en traversant les jardins des
Tuileries, et qu’il concrétisa magistralement en un androïde dont
parlèrent les annales du temps. Cette correction n’enlève rien
au talent de notre artiste dont l’œuvre générale est
aujourd’hui appréciée et admirée dans le monde entier mais dont
certains aspects restent méconnus, en particulier ses débuts, ses premières
oeuvres. Jacques de Vaucanson réalisa aussi un joueur de tambourin, puis
s’intéressant à l’anatomie il créa un canard qui le rendit
célèbre dans le monde entier. (4) Au grand scandale de sa mère qui la recouvrit pudiquement d’un voile…)dixit Madame BELLANCOURT petite fille de Gaston DECAMPS. Les modèles commercialisés furent par la suite pudiquement habillées. Il me faut donc ici aussi ouvrir une parenthèse, et rappeler ici qu’il est communément admis, et dans les mémoires familiales et dans les ouvrages consacrés aux fabricants d’automates, voire même dans ceux plus spécialement consacrés à la maison ROULLET-DECAMPS, que la première œuvre sortie des mains de Gaston DECAMPS fut la « Charmeuse de Serpent » dont la réalisation se situerait aux alentours de 1903-1906, au lendemain de sa majorité: il a 21 ans en 1903 ce qui accréditerai encore plus s’il le fallait la notion « d’œuvre de maîtrise » que j’accole à cette pièce. (5) Cette particularité en fait la
différence d’avec la « Bayadère » qui dans son aspect général
reste encore très proche des autres pièces commerciales (6) Peut être même plus
austère…plus « sérieuse » sous certains angles….. (7) La statuaire habillée était née en
1881, un an avant la naissance de Gaston DECAMPS, lorsque le
peintre-sculpteur Edgar DEGAS avait présenté sa « Petite Danseuse de
quatorze ans » à laquelle l’imagination donne si facilement vie. Depuis lors personne n’avait
renouvelé l’expérience, fort des odieuses critiques qui inondèrent le
Maître, mais l’esprit d’un homme se perpétue, ainsi, après
qu’un homme eut habillé une sculpture, un autre se devait de
l’animer… (8) Après le décès tragique de son frère en
1915 (9) Ni dans celle de ses confrères (10)Dans le catalogue de cette époque (11) Les chroniques feront état d’un
superbe « …combat de boxe, plus vrai que
nature…… » (1908) ou encore d’un . .». ..
jazz de nègres, en grandeur naturelle, pour la vitrine d'un magasin ..."..
.(1925 Exposition des Arts Décoratifs) (12) On en répertorie
aujourd’hui une douzaine d’exemplaires placés dans de célèbres
collections ou des musées de par le monde. (13) Sous le N°408 (avec une version à monneyeur) (14) Dans une collection privée en version
sans monneyeur. |
Animated sculpture inspired by “orientalism”,
one of the principle masterpieces of Gaston DECAMPS
With the auctioning of a
non-catalogued work, a genuine sculpture dressed and inspired by
“orientalism”, made by the automaton manufacturer Gaston DECAMPS,
it seemed opportune to make known, or rediscovered, this man whose mechanical
works and automaton creations have been appreciated and admired for almost
three quarters of the 20th century.
The real artistic ambition and profound sensitivity of this man are not
well-known, yet can be understood and appreciated by looking at this genuine
masterpiece, the “Cambodian Dancer”.
I
take responsibility for the risk involved in wanting to see a major master
work, in all senses of the word, and also in digressing into the life of its
maker. And so I have the great pleasure
of here explaining my theory, which is basically founded on a specious
argument, yet an entirely logical analysis.
Gaston DECAMPS, ambitious young artist.
Gaston
DECAMPS was the main hope of the third generation of a toy inventing family
that had moved to
He was
a student at the Paris Graduate School of Decorative Arts (l’Ecole supérieure des Arts Décoratifs de Paris) and a
serious student of the master sculptor Emmanuel FREMIET (1). DECAMPS took his design courses at the
Botanical Gardens and FREMIET infused him with sculpturing mastery over face
and body shapes, and the academic concern for similitude and appropriateness.
From
a very young age, along with his brother Paul, he was immersed in the laborious
atmosphere of the mechanical toy and automaton workshops of his father, Ernest
Henri DECAMPS and of his grandfather, Jean ROULLET. There he learned about his future profession,
working at attempts to create the most natural and the least jerky mechanical
movements for the automaton characters that the family enterprise delivered to
luxury good dealers.
To
understand, as closely as possible, Gaston DECAMPS, who was the complete
opposite of his brother Paul – practical and leaning completely towards
the business aspect – it suffices
to understand his beginnings, keeping in mind the purity and spontaneity of an
artistic mind, which became apparent, and formed the core of his talent.
It
seems obvious to me that his art studies necessarily inspired him to put all
his new sculpturing talents into practice.
His methodical and deliberate apprenticeship thus made his sculpturing
different from the self-taught, hand-crafted and spontaneous sculpturing done
by the family business’s “in-house” sculptor.
His
approach to mechanics, as intellectual as it was manual, must have also enabled
him to avoid or to overcome the many difficulties that his parents were
confronted with since they, too pre-occupied with daily chores, couldn’t
dream of making improvements that risked causing damages and delays in their
work.
At
the end of his studies, when he came of age (2), no doubt following the example
of the entire profession, yet also for moral and professional reasons, he had
to demonstrate his know-how by presenting a “masterpiece”, a
“work of mastery”. This
piece of work had to combine all facets of his skills so that he would be
accepted definitively into the milieu.
Toy manufacturers could not avoid this practice, which was standard for
all business sectors.
Gaston
DECAMPS arguably felt much admiration for the first and greatest of the
“mechanics”, Jacques de Vaucanson, who in the middle of the 18th
century, by mechanically animating statues, had given birth to the most
beautiful automatons ever conceived by human hands and which were the
admiration of his contemporaries and following generations. Gaston DECAMPS decided to follow this example
and to make “animated statues” (3), aware that he would have to
confront the difficulties inherent in combining Art and Industry, and the
necessary concessions that it would naturally lead to.
I’ll
add that this ambition could also have arisen from a desire to elevate the
automaton from its dull and ephemeral career as an object of play. He might have wished to direct it towards a
new condition, and towards a different clientele, one that was closer to the
art world, and one that, from keeping up with widespread artistic tastes, was
more demanding than the usual clientele.
All
that remained for Gaston DECAMPS to do was to find a subject worthy of rising
above his project.
He
could easily have become inspired by imitating his father’s or his
grandfather’s, or even his colleagues’ procedure. They drew from daily life, news, and shows,
to find the scene or the character whose gestures they would immortalize,
sometimes to the extreme, often with a caricature, and also their exploits (for
example, the prowess of circus characters).
Gaston
DECAMPS thought about dance, music being one of the arts most easily combined
with statuary since it evokes movement.
Moreover, taking a closer look, the family business production at the
end of the preceding century included a large model called the “India
Dancer”. It appears to be an
attempt of our artist, or at least the foundation for a piece of work …
which perhaps already foreshadows the work to come, but which still remained
somewhat clumsy. The movements that were
too jerky, the head and bust that were in porcelain bisque thereby breaking up
the artistic unity because of the variety of materials, all that gave it the
air of a disguised doll.
The sources of inspiration for the “Cambodian Dancer” and
for the “Snake Charmer”
One
logically imagines that his natural curiosity, as well as his friends and his
artistic environment, led him to visit art exhibits and museums, so he was at
once fascinated, impregnated, and influenced, just like many of his
contemporaries, by this Indochinese exoticism.
That, because of current events, had become trendy during the breaking
waves of orientalism at the beginning of that century, so perhaps he got the
inspiration for his project from that plunge into the dream-like orient.
Perhaps
he visited the Salon of 1899 and there discovered the great triptych “
But
is it more probable that in another exhibit in 1906 he observed the latest
creation of the German sculptor Joseph WIND, a snake charmer sculpted in 3
dimensions?
The
resemblance between this oriental-inspired sculpture and Decamps’
automaton, or more precisely, his “animated sculpture” is striking
and leaves no doubt today that it served as a model for Gaston DECAMPS to
construct his “Snake Charmer”.
Another
readily understandable possibility is that he was one of the spectators of the
divine artist Cléo de MERODE, a famous dancer who, in 1900, during the
Universal Exposition, amid the colonial Exposition, half-way from Trocodero,
presented a Cambodian dancing show, in which she was the choreographic
star. It was a tremendous success, and
people came from far, the evening, to admire her?… Or couldn’t he even have seen the
Cambodian dance shows (also adapted) done by another ravishing Parisian dancer,
Louise MANTE?
Another
possibility, and the one that seems the most probable, is that he succumbed to
the oriental charm of authentic royal dancers that the King of Cambodia,
Sisowath, had brought with him on his official visit to
There
he was certainly fascinated by this noble and nubile young girl of only 15
years, with hair cut short (on her birthday, as dictated by Cambodian
tradition), wearing a pointed, golden tiara.
Her body was enveloped like a mummy in a gala outfit made from
transparent silk, covered with sequins and gems and sewn on. Her waving arms ended in fine hands, arched
and so gracious, lengthened by fingernails painting arabesque symbols in the
air. All of that was surrounded by loud,
bewitching music.
Not
to be doubted, she’s the one who served as a model for his
“Cambodian Dancer”…
The “Cambodian Dancer”
Gaston
DECAMPS, with understandable youthful fervor, fascinated or subjugated, burned
for these subjects, both of which he animated, perhaps simultaneously, in the
same artistic impetus.
These
two characters, conceived with the most perfect proportions on a plastic that
enhances the model work and the sculpture, provide a spectacle of thrilling
realism, in all ways comparable to classic statuary, except for occasionally
coming to life with this illusion of their own breathing, even more of a
success since the torsos can rise and fall in rhythm to the slow, natural and
sinuous movements of the limbs.
These
two masterpieces were elaborated on the same bases: the plinth, the bottom of the body, and the
free-moving trunk that lifts up, imitating breathing, are all identical on each
model.
The
facial sculpturing differs; the dancer has a more juvenile air, and there is a
haughtier expression on the charmer, whose body was stripped completely nude,
just like the model she had been inspired by (4).
The
“Cambodian Dancer” has stupefying and realistic hand movements,
imitating the complex ones necessary for exotic dancing. They required the creator to demonstrate
superior technical prowess, with which, the only concession to mechanical laws,
he had to adjust the weight, shape, and working movements they were supposed to
perform in order to render a perfect
illusion of reality.
But,
to this remarkable exploit, it must be added that the reproduction of the
clothing was done with great finesse and accuracy. The clothing is enhanced with sequins and
gems, – like the model, with two
matching shoulder straps that represent sacred flames – jewelry
decoration, and not to mention the tiara (stabilized on one side to keep the
head in a very upright position) which represents the Brahman’s head
piece, and which, in itself, is a pure masterpiece of oriental goldsmith skill.
Yet
to all of that, one still has to add that what makes the achievement of these
two creations so successful, and what confers on them a majestic, unique, and
purely artistic character, resides in the attaching of a pedestal. It’s a large octagonal, tiered plinth,
which , with its antique, imposing aspect, gives an equilibrium to the whole
that is pleasing to look at, and it’s the perfect imitation of a statue
on a plinth (5).
It
can easily be imagined that these two pieces presented by Gaston DECAMPS to the
examiners earned him the respect of his peers.
Conclusion
How
is it possible not to consider these two works, non-conformist and above all
magisterial – in which Art makes no concessions to business interests, in
comparison to subsequent creations of this artist – as simultaneously
works of mastery, genuine works of art, and proof of an unequaled talent.
They
form a link between the out-dated classicism of the company’s products
under the tutelage of his father and grand-father, and a voluntary orientation
to more “modern”, or as we would say, more
“contemporary” work, which Gaston DECAMPS confirmed and continued
(6).
Authentically
outfitted and animated sculptures (7), they are finished works of Art, denuded
of any commercial ambitions; they symbolize a successful marriage of the Art
world to Industry, and demonstrate the close relationship between ideas and
shapes, between ambitions and the material limits of existence.
No
other equivalent examples can be found in the entire production line of this
company (8), the command of which Gaston DECAMPS took over soon after (9). Nor can any be found in the characters then
in fashion, escapees from the shows produced by the new
“Music-halls” that flourished in
There
aren’t any examples either of the original, and often spectacular, pieces
drawn from current events (11), realistic or comical, which contributed to the
firm’s success and which appeared in numerous international exhibits, and
the shop windows of large department stores, where they became annual
attractions.
And,
that can be explained quite simply. Too
quickly, the war, family crises, and, for all that, the weight of
responsibility forced Gaston DECAMPS to distance himself from “animated
statuary”. He had to adapt to new
social and economic criteria, to the restraints of a market submitted to new
rules dictated by the “Electric fairy”, which would give birth to a
new generation of automatons consecrated to business and made according to
demand.
However
hard we’ve looked, we haven’t found anything really comparable to
the “Cambodian Dancer” or the “Snake Charmer”.
To
conclude, I’ll add that generally, once an automaton is finished, it
doesn’t escape being copied, because of business demands and especially because
of the cost inherent in inventing it.
The “Snake Charmer” gave in to that demand and so was
copied, on order, (12) and introduced into the 1910 catalogue of products
manufactured by the family company ROULLET-DECAMPS, one year after the death of
Gaston DECAMPS’ father (13).
The
“Cambodian Dancer” seems to have escaped that classic rule, and
until more information surfaces, only one version exists (14), which naturally
confers an even more precious character on this one put up for sale.
François THEIMER
Toy Historian and certified appraiser for the
Un exceptionnel Bébé JUMEAU de la série 200 des premiers bébés
à visages caractérisés vendu le 2 décembre à l’Hotel AMBASSADOR
C’est un privilège que de pouvoir partager aujourd’hui le plaisir rare de la découverte d’un modèle inconnu d’un fabricant de poupée dont la réputation à fait et fait encore le tour du monde.
Issu d’une série qui, paradoxalement, est parfaitement connue des connaisseurs et amateurs de poupées du monde entier, le modèle présenté nous offre une expression de joie enfantine intense, figée à jamais dans le biscuit, et dont on ne se lasse pas d’admirer l’extraordinaire travail de modelage du sculpteur qui a reproduit la réalité avec une précision quasi anatomique, et qui démontre la maîtrise parfaite d’un Art et d’une technique à la mesure du talent de son auteur.
Créée entre 1890 et 1891, la série 200, offrait un panorama hyperréaliste et surprenant de toutes les expressions naturelles enfantines (de la joie aux pleurs en passant par les cris, sifflements et autres attitudes physiques) d’une petite fille.
Les sculpteurs de la Société
JUMEAU & Cie, que la postérité a hélas oubliés, s’étaient
certainement beaucoup amusés en regardant leurs œuvres. Mais ils avaient
réussi cet exploit qui tenait de la gageure, et le résultat avait été à la
hauteur de leur ambition : Aucun but commercial particulier, mais la
démonstration d’une maîtrise parfaite de l’alliance de l’Art
et de l’Industrie, d’une virtuosité et d’une supériorité sur
tous leurs concurrents dans le monde.
Jamais aucune série de poupée
enfantine n’égalera la série 200 de la Société JUMEAU et Cie. Elle fut
réalisée d’un seul trait, sur quelques mois. C’est un peu ce me
semble le « coup de chapeau » d’Emile Louis JUMEAU à la
profession des fabricants de poupées, avant de s’en aller vers
d’autres ambitions (1), et de laisser son entreprise entre les mains de
son jeune associé, Emile Louis DOUILLET.
Cette série de visages enfantins hyperréalistes se compose de 19 numéros allant du N° 200 au 220 exception faite du 213 (pour des raisons de superstition….). Le premier chiffre 2 correspond au symbole féminin s’agissant de poupées destinées aux petites filles, les deux autres chiffres correspondent chacun à un modèle à la sculpture d’une expression unique.
Chaque moule ne fut réalisé que dans un éventail de 5 tailles allant de 9 à 13 afin de laisser le maximum d’effet à la sculpture. Seuls les numéros 203 et 211 furent réalisés dans un nombre de tailles plus élevés (9 tailles : de la taille 4 à 13) et furent utilisés dans les petites tailles (la taille 4 en particulier), pour les sujets des automates de la maison Léopold LAMBERT, qui semble avoir été l’un des instigateurs de ce projet (1).
Cette série de visages enfantins caractérisés se continue par cinq numéros allant du 221 au 225 et qui représentent des visages de femmes, et la Société Française de Fabrication des Bébés et Jouets (plus connue par ses initiales : S.F.B.J.), qui succéda à la Ste JUMEAU & Cie en 1899, reprit à partir de 1909, l’idée d’une série de bébés à visages caractérisés, mais cette fois dans un but purement commercial, en s’inspirant des visages enfantins de son époque, tout en y intégrant la mixité et un éventail d’âges allant du nouveau né au jeune enfant.
Cette nouvelle série sera
numérotée en succession de la précédente et commencera à partir du N° 226
de 1909 au numéro 310 de 1955, s’étalant dans la durée et
s’adaptant aux modes.
Lors de l’Exposition
Universelle de 1900 la SFBJ présenta la série intégrale de la série 200 dans un
ensemble de vitrines dont la composition fut immortalisée par une série de 6
cartes postales en couleurs.
L’inventaire de la Ste
JUMEAU, au moment de sa cession à la S.F.B.J. en 1899, indique qu’il ne
restait que 8 têtes de taille 10 du moule 202…. Celui qui est présenté
ici, est le seul à ce jour, qui nous soit parvenu….
(1)Voir le « JUMEAU Book » par François THEIMER )